Charles-Augustin Sainte-Beuve a longtemps été considéré comme l'un des grands critiques littéraires du XIXe siècle, dont Taine le positiviste s'est déclaré le disciple. Partisan d'une subjectivité toute romantique, il défend une vision déterministe de la littérature, s'attardant sur la biographie du créateur pour une meilleure compréhension de l'œuvre. Vivement critiqué par Proust, qui s'élèvera contre ces méthodes inquisitrices dans son Contre Sainte-Beuve, il n'en reste pas moins reconnu pour sa sensibilité.
Né en 1804, il n'a pas connu son père, victime d'une angine de poitrine un mois avant sa naissance. Installé à Paris avec sa mère, il délaisse ses études de médecine pour une carrière de journaliste et de critique. C'est grâce à son activité de chroniqueur littéraire pour Le Globe qu'il est introduit dans le Cénacle de Victor Hugo et rencontre Nodier, puis Musset et Chateaubriand. Ses premières tentatives d'écriture s'étant avérées peu concluantes, il se consacre à la critique, fait redécouvrir à ses contemporains de nombreux textes oubliés du XVIe siècle, et se penche sur les querelles littéraires qui ont agité les XVIIe siècle avec une Histoire de Port-Royal en six volumes, dans laquelle il étudie les tenants de la doctrine janséniste. Après Le Globe, il entame une collaboration durable avec la Revue des Deux Mondes.
L'année 1834 est un tournant dans la vie de Sainte-Beuve : à trente ans, il entreprend la rédaction d'un journal intime, et publie un roman très attendu, Volupté, à travers lequel il relate à mots couverts sa liaison avec Adèle Hugo. Élu à l'Académie française en 1844, il est nommé professeur au Collège de France après le coup d'État de 1851, puis à l'École normale ; il devient un personnage important sous le Second Empire, mais ne parvient pas à dépasser l'hostilité manifeste pour la critique littéraire.